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La pensée du cancre:

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Sur l'eau : le reflet de la Lune...


--> ...Dans l'eau : ...

          Nous avions tout juste seize ans et nous étions une petite bande de garçons toujours fourrés ensemble. Nous aimions à nous promener dans la nuit de mon village de Lacroix-Falgarde. Nôtre plus grand plaisir était de nous réunir autour d’un feu de bois. Nous nous installions sur les berges de l’Ariège, qui coule un peu à l’extérieur du village.

Nous étions cinq ce soir là, Luc, Fabrice, Guillaume, Yves et moi. Nous étions allés chercher des bûches chez le châtelain du coin, puis nous amorcèrent nôtre foyer à l’aide de brindilles, cartons, restes de journaux. Arrosés d’un rien d’essence.

Une foi le chauffage central assuré, les discussions s’engagèrent : politique, grand banditisme ; argent et filles.

La Lune éclairait le paysage en se reflétant dans l’eau excitée de l’Ariège, c’était la fonte des neiges.

Les flammes crépitantes illuminaient nos visages et projetaient des ombres mouvantes sur les mûrs d’ombres, jusqu’au rivage opposé, par delà les tourbillons.

L’eau défilait, délirante et vibrante.

Le vent frais agitait les feuilles. Les fortes rafales sonnaient comme des cascades aériennes insensées.

De rares guimbardes traversaient à pleine vitesse le pont situé en amont. Chacun de ses passages produisait un bruit de tonnerre.

Yves et guillaume s’endormirent, bercés par l’Ariège.

Il était près de minuit quand la musicalité des eaux changea, leur symphonie naturelle indéfinie se mua en une mélodie étrange et silencieuse. Intrigués, nous laissâmes aller nos regards sur l’onde sombre. Nous n’en crûmes pas nos yeux, nôtre surprise éveilla les dormeurs et nous fûmes cinq à voir cela.

A quelques mètres de la berges trois personnes, étaient visibles, seules leur têtes étaient pour l’instant émergées mais ils se rapprochaient de la rive, et leur buste étaient maintenant visibles. Ils traversaient le courent, semblant marcher sur le fond du cours d’eau. Finalement, deux jeunes gens d’environ dix-sept ans et une femme plus âgée passèrent près de nous en nous saluant de la tête. La jeune fille, une beauté brune, souriait magnifiquement, le jeune homme, lui tenait la main. Il était châtain et de bonne constitution. Le couple paraissait très heureux. La femme se tenait en retrait, elle avait des cheveux mi-longs bouclés et marchait d’un pas nerveux comme pour rattraper ses prédécesseurs.

Nous restâmes abasourdis. Aurions-nous put avoir tous la même hallucination ? Non, ils étaient bien réels.

Aucun de nous ne les avait vue nager. D’accord la nuit était sombre, mais nager en pleine nuit ? En cette période de fonte des neiges ? Et puis, quelques soit l’heure et les courants, on ne fait pas trempette sans quitter ses vêtements.

Cet épisode obsédait mes pensées ainsi que, je le crois celle de mes compagnons cependant nous n’en parlâmes pas. Il semblait y avoir autour de cet bizarrerie une règle du silence entendue entre nous, discuter de cet événement décalé n’aurait fait qu’augmenter le mystère qui l’entourait et aucun de nous n’y tenait. La Lune poursuivait calmement son parcours parmi les étoiles, nous somnolions tranquillement sous son regard serein et bienveillant. Le feu déclinait.

Nous fûmes éveillés par le chant du coq mais un simple coup d’oeil à la position des astres nous apprit que l’on était encore à quelques heures de l’aube claire. La pleine Lune me souriait de façon inquiétante, je n’étais pas tranquille.

Des pas approchaient, se frayant un chemin dans les buissons, les étrangers reparurent. La fille pleurait maintenant, le garçon la soutenait en lui parlant tout bas. Nous les interpellâmes, cependant ils ne daignèrent pas nous accorder un regard. Ils remontaient l’Ariège.

La femme plus âgée, qui se tenait toujours en retrait de quelques pas, s’approcha de nôtre feu, elle frissonnait malgré la douceur de la nuit.

Nôtre association autour du foyer restait depuis d’interminables minutes silencieuse quand Yves demanda pour quelle raison la jeune fille pleurait, mais la femme parut étonnée que celle-ci eut versée des larmes. Guillaume lui demanda qui elle était, elle répondit en nous demandant si nous connaissions bien le village de Lacroix-Falgarde. Je répliquai que j’en étais natif. Elle appuya longuement son regard sur moi puis se présenta : «  Je suis Marie Laval ».

Des cris entremêlés percèrent alors la nuit, suivit d’un « plouf » tragique. Ces échos funestes semblaient venir du pont situé en amont. « Excusez-moi, mais je dois vous quitter » déclara madame Laval, avant de remonter à son tour la rivière.

Ces rencontres avaient semées le trouble dans nos esprits. Fabrice proposa de faire repartir le feu. Une bûche fût amenée, de l’essence versée adroitement.

Luc se tourna vers moi : « Tu la connais cette Marie Laval ?

-Non, répondis-je alors que le son d’un nouveau plongeon résonnait dans l’obscurité,  je ne l’ai pas connu mais j’en ai entendu parler » achevai-je.

Cette réponse brumeuse surprit mes compagnons qui ne me posèrent plus de questions. Ce manque de curiosité les préservait du désarroi dans lequel j’étais.

         Marie Laval était la mère de Christophe Laval. Ce dernier était amoureux fou de la belle Sandrine. Elle l’aimait en retour. Elle était orpheline. Madame Laval refusa le mariage à son fils. Le jeune couple sauta du pont, scellant leur amour dans la mort. On apprit que Sandrine était enceinte. Marie Laval, rongée de remord se suicida en sautant du même pont. On n’a jamais retrouvé leurs corps. Cette histoire datait de dix ans.

Ecrit par Magnes, le Vendredi 30 Avril 2004, 21:54 dans la rubrique "L'Abus de VodK nuit à L'Imagination".
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